
Si Jean le baptiste désigne Jésus comme le Messie (Jn 1:29), pourquoi envoit-il ses disciples lui demander s’Il l’est (Mt 11:2) ? Pourquoi JB dit-il qu’il n’a pas reconnu le Messie (Jn 1:31) alors qu’ils sont cousins et qu’il l’avait déjà reconnu dans le ventre de sa mère puisqu’il a sauté de joie lors de la Visitation?
Il faut faire attention en exégèse et respecter le texte, sans sauter comme ça d’un évangile à l’autre. Il y a deux manières de répondre.
1° La première est narrative. Que nous disent exactement les textes ? En Lc 1, 36, l’Ange Gabriel parle à Marie de sa « parente » Elisabeth. Le terme grec syngennis décrit un lien de parenté assez vague. Il n’est nulle part écrit que Jean-Baptiste est le « cousin » de Jésus. Ou alors un cousin à la mode de Bretagne, ou plus exactement à la mode orientale, à un degré de parenté assez éloigné. Elisabeth n’est pas la sœur de Marie, car il est écrit ailleurs que Marie a des sœurs, et probablement pas sa cousine germaine non plus, car alors, elle serait peut-être bien appelée « sœur », comme souvent au Proche-Orient. Ainsi, Abraham appelle Loth son « frère » en Gn 14, 14 alors que c’est son neveu (ce qui, au passage, rend bien plausible que les « frères » de Jésus soient ses cousins). Donc Jean-Baptiste serait au minimum un cousin au second degré, voire bien plus probablement au troisième degré ou plus de Jésus.
Rien ne dit qu’ils se soient vus avant le passage du baptême au Jourdain, c’est même hautement improbable, puisque les deux familles vivent loin l’une de l’autre et que le lien de parenté reste indirect. Par ailleurs, ce n’est pas parce que le fœtus Jean-Baptiste fait une expérience charismatique qui le fait reconnaitre Jésus-embryon qu’il devrait le reconnaitre adulte trente ans après. Une expérience d’effusion de l’Esprit-Saint n’est pas permanente et n’a rien à voir avec une connaissance par le monde sensible.
Venons-en au baptême de Jésus dans l’Evangile de Mathieu. Il est écrit : « Jean voulait l’en empêcher et disait : « C’est moi qui ai besoin d’être baptisé par toi, et c’est toi qui viens à moi ! » (Mt 3, 14). Il n’est pas dit explicitement que Jean estime que Jésus est le Messie et c’est Jésus qui fait l’expérience de voir l’Esprit qui descend sur lui et entend la voix qui vient du Ciel. Pas Jean. Donc, il a pu très bien conclure que Jésus était quelqu’un de significatif, voire le Messie, au moment du baptême, puis avoir des doutes plus tard, surtout en éprouvant l’échec de son propre ministère du fond de sa prison.
2° La deuxième part sur l’histoire de la construction des textes. L’évangile de Jean ignore les épisodes de l’enfance de Jésus et c’est le seul où Jean-Baptiste voit l’Esprit et atteste clairement le rôle primordial de Jésus. Donc le rapport à la Visitation n’a pas lieu d’être et cet évangile ne dit en rien que Jésus et Jean seraient parents et se seraient vus avant la rencontre au Jourdain. Dans l’Evangile de Luc, le seul à parler de la Visitation, le texte n’indique pas que Jésus et Jean se soient parlé au Jourdain. Il dit juste que Jésus se fait baptiser (Lc 3, 21). Bref, ils ne se connaissent pas en tant qu’adultes.
Quant à l’Evangile de Mathieu, il ignore la Visitation et ne présuppose donc pas que Jésus et Jean auraient des raisons de se connaitre.
Chaque évangile a des sources et un projet théologique différents, qui ne se recoupent pas forcément. Chacun a sa propre dynamique et il n’est donc pas adéquat de plaquer un épisode d’un évangile pour interpréter un passage dans un autre sans faire attention à ce que disent vraiment les textes.