
Je ne connais pas votre site et je suis là par hasard, mais en tant que chrétien j’aimerais poser une question : Si tout n’est pas écrit, quid des prédictions de Jésus avec Pierre et le chant du coq et avec Judas pendant la Cène..? Dieu “sait” certaines choses et pas d’autres ..?
C’est une tension forte que nous avons abordée dans nos articles évoquant l’omniscience de Dieu (le fait qu’Il sait tout) ; par exemple dans https://reponses-catholiques.com/dieu-est-il-apathique/, Notons qu’elle concernait Dieu le Père.
Mais l’Eglise tient la tension : oui, Dieu sait tout. Et oui, l’homme est libre et il peut faire des choix qui ne sont pas déterminés à l’avance.
Dans le cas du Fils incarné en Jésus-Christ, sa double nature provoque une tension d’un type un peu différent : soit Il ne sait pas tout et cela contredit sa nature divine, soit Il sait tout, ce qui n’est pas le cas des hommes. Or, Il a pris notre humanité dans toute sa fragilité, hormis le péché. Cette fragilité inclut l’incertitude. Les théologiens ne sont donc pas d’accord entre deux visions du Christ : la « christologie haute », qui accentue sa nature divine, très nette dans l’Evangile de Jean ; et d’autre part, une christologie plus « basse », insistant davantage sur son humanité, plus présente dans les Evangiles synoptiques (Mathieu, Marc, Luc). C’est la richesse, mais aussi la complexité, de sa double nature.
On voit bien que Jésus est parfois surpris, par exemple par la Cananéenne (Mt 15, 21-28) ou le Centurion (Mt 8, 5-17). Ou déçu, après le discours du Pain de vie ou plusieurs disciples l’abandonnent (Jn 6, 66-67). Son « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné » (Mt 27, 46) a fait couler beaucoup d’encre mais une interprétation robuste permet de voir qu’Il prend notre nature humaine jusqu’au doute radical. C’est bien parce qu’Il l’a éprouvé et qu’Il le traverse qu’Il peut nous en sauver.
Donc, on est bien obligé d’accepter que le Christ a la connaissance de Dieu, mais qu’Il connait aussi l’incertitude parce qu’Il est vrai homme, et enfin qu’Il dialogue avec la liberté irréductible de l’autre.
Vous écrivez “on est bien obligé d’accepter que le Christ a la connaissance de Dieu, mais qu’Il connait aussi l’incertitude parce qu’Il est vrai homme, et enfin qu’Il dialogue avec la liberté irréductible de l’autre”.
Ben non, on n’est pas obligé ; l’incertitude serait essentielle à la condition humaine ? Et l’intuition ? Avant la Chute, Adam n’en était-il pas pourvu ? En tout cas le fidèle sait qu’il ressuscitera et même l’Homme qui est sa plus profonde identité est déjà ressuscité. Combien plus le Christ -Homme parfait- sait ces vérités physiques et métaphysiques.
Le Christ, après les prophètes annonce sa passion et sa resurrection avec précision.
La pastorale actuelle tend à absolutiser la liberté humaine plutôt que la foute puissance divine, ruinant ainsi l’idée de la Providence.
La compatibilité entre la prédestination et la liberté n’est pas moins difficile à penser que l’Unicité de Dieu et les trois personnes divines, chacune étant Dieu, que les deux natures distinctes en une personne ou que Marie Vierge et Mère.
En fait, bien loin d’être une limitation de notre liberté de penser, chaque dogme apparaît comme une “coincidentia oppositorum” susceptible d’illuminer notre conscience en la libérant des limitations du rationalisme.
Vouloir réduire cette tension est la source de toutes les hérésies.
Si la religion pouvait n’être qu’une déduction de nos capacités rationnelles de raisonnement, en quoi serait-elle une “Révélation” ? Au contraire, elle ne vient pas nier la valeur de nos facultés mentales, mais en en montre les limites en révélant qu’il y a un “Au-delà” de ce que nous appréhendons par nos propres moyens et qui peut alors se donner à méditer par notre raison.
Toutes les sociétés sont “religieuses”. Seule la nôtre élève des obstacles épistémologiques à la Foi. Peut-être faut-il cette “rationalisation” (au sens de “défense” psychique) que l’Occident a élaboré depuis le début des “temps modernes”. ..