
Jusqu’à quel point sommes-nous coupables des actes des autres ? Je suis mariée depuis des années avec un homme au caractère emporté qui me critique beaucoup. La plupart du temps lorsqu’il se met en colère je ne réponds rien. Cependant, lorsque ses reproches sont trop fréquents et que je suis lasse d’être si peu considérée par lui, (il peut être très dur dans ses propos mettant en cause mon rôle d’épouse, de mère, et même ma famille) je finis par exploser et je lui dis qu’il devra payer un jour sa méchanceté à mon égard et son comportement agressif. Ensuite je m’en veux pour mon manque de charité et me rappelle que le Christ ne disait rien à ses bourreaux. De plus je me sens lâche de ne pas le quitter et de favoriser ainsi son comportement colérique. Mais je ne me sens pas capable d’envisager une rupture…. Pensez-vous que je puisse être responsable, à mon niveau, de cette situation conflictuelle ? Peut-on être coupable de laisser, par faiblesse, des choses mauvaises se faire ? Devrais-je, d’après vous, me comporter différemment ? Merci de me répondre.
Nous ne sommes pas coupables des autres mais nous sommes malheureusement responsables de nos actes et de nos réactions (ou absences de réactions) par rapport aux leurs. Oui, nous sommes au regret de dire qu’on peut « être coupable de laisser, par faiblesse, des choses mauvaises se faire. »
Oui, il existe de grandes saintes qui ont supporté patiemment les vexations et infidélités de leur mari par charité. Mais elles l’ont le plus souvent fait dans des circonstances particulières et avec un charisme particulier, dans une autre époque que la nôtre. Par exemple en fondant une œuvre à côté, et surtout en œuvrant à la conversion de l’époux. Elles n’ont pas laissé les choses en l’état.
Le Christ nous commande de ne pas répondre par la violence par la violence mais cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas répondre à la violence du tout. « Tendre l’autre joue », c’est prendre une attitude radicale pour signifier à l’autre que sa violence est vaine. Mais, d’une part, le Christ ne dit pas qu’une deuxième gifle vient, d’autre part, Il ne dit pas non plus de retendre la joue indéfiniment.
Et la charité ne doit pas être confondue avec la faiblesse. La Force est une vertu. Bien sûr, les situations de couples sont très compliquées et il est difficile de répondre de façon pertinente à ce qui relève de l’intime. Mais nous espérons utile de faire tout de même ces remarques :
- Quiconque a une expérience dans la gestion des violences familiales sait que les violences vont généralement crescendo: l’agresseur commence par des remarques blessantes et des humiliations, puis passe aux insultes, puis cela peut malheureusement aller aux coups, voire pire. Il est donc particulièrement imprudent de le laisser faire. C’est se mettre en danger
- S’il y a des enfants dans le foyer, c’est un très mauvais exemple pour eux. Cela peut inciter les garçons à devenir violents une fois adultes et les filles à se laisser maltraiter. Ou pourquoi pas l’inverse
- Il n’y a que deux manières de répondre à une relation toxique : mettre des limites si on le peut, ou fuir pour se protéger (et peut-être protéger ses enfants) si on ne peut se défendre
- Surtout dans des relations affectives, on peut passer alternativement de la place de victime à bourreau, voire sauveur, ce que Karpman a conceptualisé dans son « triangle dramatique ». On peut donc être « victime » et devenir « bourreau » de temps en temps en criant sur l’autre. Ca ne fait que perpétuer le triangle.
Nous ne pouvons qu’inviter la lectrice à prendre courageusement la situation en main pour son bien, celui de ses éventuels enfants, et peut-être même celui de son mari. Les ressources sont de trois ordres :
- Psychologiques : nous l’encourageons à consulter un spécialiste pour comprendre pourquoi elle accepte ces violences et développer des attitudes pour y faire face. Elle doit inciter son mari à faire de même. Il y a des chances qu’il refuse mais il ne faut pas lâcher et en reparler régulièrement. Une thérapie de couple est manifestement nécessaire, il existe des thérapeutes chrétiens bien formés.
- Juridiques : la lectrice peut demander une médiation. Un tiers aidera à accompagner le conflit. La médiation humaniste telle que fondée par Jacqueline Morineau, d’inspiration chrétienne, permet de retrouver la paix dans la relation, en montant jusqu’au niveau transcendant s’il le faut. Si le mari profère des insultes (et évidemment des violences physiques), il faut au moins faire une main courante et faire comprendre que, s’il récidive, la lectrice la transformera en plainte. La peur du gendarme peut en calmer certains, surtout que les violences conjugales sont maintenant prises très au sérieux. La police proposera d’ailleurs parfois une médiation, si le conflit n’est pas trop grave (mais pas en cas de violences caractérisées, le dossier est directement envoyé au procureur)
- Et bien sûr spirituelles. Outre la prière à l’intercession des saintes en question, la Sainte Famille est un recours. St Joseph est un protecteur des familles, en particulier. Cela peut s’accompagner d’actes forts comme un pèlerinage sur un lieu dédié à St Joseph ou une retraite de couple, comme Cana Couple du Chemin Neuf, par exemple. Si l’époux est fermé à ces propositions, la lectrice peut prendre sa part en rejoignant un groupe de prière, en allant seule faire une retraite de guérison intérieure, un pèlerinage sur le Chemin de Compostelle seule ou avec des copines, ou toute autre proposition spirituelle qui conviendra. Que ce soit sur le plan psychologique ou spirituel, se prendre en main individuellement a un impact sur l’autre et modifie la relation petit à petit. L’autre ressent face à lui une force qui se développe progressivement et lui donne moins de prise. En tous cas, la lectrice ne doit 1) pas rester seule face à la situation et 2) ne pas la laisser en l’état.