
L’Eglise va très mal. On le voit partout : confusions, divisons, évêques et prêtres scandalisants, terribles homélies, ignorance des écritures, ignorance de la foi, très peu d’évangélisation par les catholiques etc. Je veux savoir s’il a existé un temps où l’Église allait très bien ou si elle a toujours été ainsi peu importe les âges. Quant à moi, je ne vois pas ce temps-là excepté peut-être celui des premiers chrétiens.
Il y a bien sûr des hauts et des bas dans l’histoire de l’Eglise et cela dépend aussi des lieux : l’Eglise peut aller mal quelque part et mieux ailleurs, par exemple, si elle fait face à des persécutions ou des hérésies, alors que c’est plus paisible à un autre endroit.
Mais, dans l’ensemble, son histoire est chaotique, avec de nombreuses crises graves, et cela peut décourager. Et contrairement à ce que dit la question, y compris dans les temps apostoliques. Les trois lettres de Jean, par exemple, et les lettres aux sept églises au début de l’Apocalypse, montrent qu’il y avait déjà des hérésies et des schismes dès la fin du Ier siècle, avec en plus les persécutions qui avaient commencé. Plusieurs chercheurs estiment que l’auteur des lettres de Jean représente une tendance minoritaire. Cela indique donc le courant qui deviendra plus tard catholique était minoritaire dans ce lieu-là face à des hérésies, cela dès la fin du Ier siècle. St Paul a probablement été dénoncé par des chrétiens. Bref, les crises sont déjà décelables dans les Actes des Apôtres.
Toute l’Antiquité jusqu’à l’Edit de Constantin en 312 (qui autorise la liberté de culte pour les chrétiens) est marquée à la fois par les persécutions et toutes sortes d’hérésies : gnostique, arienne, de Novatien, montaniste, donatiste etc.
Le Moyen-Age a vécu les conflits graves entre papes et rois ou empereurs. Philippe-Auguste et Frédéric de Hohenstauffen ont été excommuniés. L’interdit a été prononcé sur la France pendant plus de 20 ans. Les hérésies, cathare ou vaudoise, puis hussiste n’y ont pas manqué, déclenchant une répression féroce contre les hérétiques, mais aussi, on ne le dit jamais, des massacres contre les catholiques aussi : la croisade contre les Cathares a été déclenchée en représailles de l’assassinat de l’ambassadeur du Pape à Lodève. Pendant ce temps, les territoires chrétiens, et donc l’Eglise, ont dû faire face aux invasions païennes slaves, magyare, viking, plus l’invasion sarrasine et l’occupation de l’Espagne pendant sept siècles. On a eu ensuite le Grand schisme d’Occident à la fin du Moyen-Age – sans parler du schisme d’Orient avec les orthodoxes et la catastrophe de la prise de Constantinople.
On pourrait continuer longtemps avec la Réforme, les Lumières, la crise moderniste, le marxisme et le wokisme actuel, les invasions ottomanes etc. Finalement, un âge qui parait faste ne l’est pas tant que ça : l’Empire romain disparait un siècle après l’Edit de Constantin, le XII-XIIIe siècle médiéval s’accompagne de la crise cathare, le XVIIe voit se répandre l’athéisme des libertins. Or, que constate-t-on ? Que ces moments de crise sont aussi des moments de profond renouveau spirituel : les chrétiens ont tenu bon face aux hérésies et aux persécutions pendant l’Antiquité. L’écroulement de l’Empire romain après les invasions barbares a donné le monachisme de St Benoit, à la suite de celui venu d’Orient : l’Europe s’est reconstruite sous le « blanc manteau d’abbayes » cher à St Bernard. La crise cathare a donné naissance aux dominicains, pendant que François d’Assise revenait à la pauvreté évangélique. La Réforme a été concomitante avec la naissance de la Compagnie de Jésus et du Carmel, ainsi que la profonde réforme du Concile de Trente. Les progrès de l’athéisme au XVIIe siècle s’est accompagné de l’école française de spiritualité (St François de Sales, Ste Jeanne de Chantal, St Vincent-de Paul, Louis-Marie Grignion de Montfort, les Eudistes etc). L’athéisme du XIXe siècle et les crimes de la colonisation se sont développés en même temps que les missions qui ont rendu le catholicisme vraiment universel, avec pour conséquence la vitalité actuelle des églises africaines, vietnamienne, coréenne, philippine etc. Face au marxisme, l’action sociale catholique et des figures comme le Bx Ozanam ont revitalisé le lien avec les plus pauvres, qui risquait de se perdre. Vatican II a répondu aux « signes des temps » des années 60 autant que Vatican I le faisait face au positivisme du XIXe siècle ou le Concile de Trente face à la Réforme. Et en pleine génération 68 et ses déconstructions, est né le Renouveau charismatique.
Où en sommes-nous en ces temps de wokisme et d’islamisme dans une société de plus en plus déchristianisée ? Face à la crise de membres de l’Eglise, où sont les saints d’aujourd’hui ? Le Bx Carlo Acutis nous montre que même le numérique peut être sanctifié. Les martyrs d’aujourd’hui, de Lybie, le P. Hamel, les martyrs de Nice, le P. Maire, d’une certaine façon Arnaud Beltrame, nous montrent que des chrétiens donnent toujours leur vie pour le Christ.
Des femmes s’engagent de la virginité consacrée et sont prêtes à donner leur vie pour en sauver une autre, comme la vierge consacrée qui a empêché en 2022 le vicaire de St Pierre d’Arènes à Nice d’être achevé sous les coups de couteau de son assaillant (elle a été elle aussi gravement blessée à la main en tentant de désarmer l’attaquant)… Ou bien sûr ce jeune homme qui a sauvé des enfants lors de l’attentat d’Annecy de juin 2023. Voilà des personnes qui ont agi au Nom du Christ. Ce sont eux et ceux qui leur ressemblent qui feront que la barque de Pierre traversera cette tempête et les prochaines.